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Uniterres, des produits solidaires et locaux

Temps de lecture 8 minutes

Le réseau d’épiceries solidaires ANDES a développé l’approvisionnement local en fruits et légumes pour soutenir des producteurs en difficulté et proposer des produits frais à ses clients. A Montmorillon, le réseau Mont’Plateau est un pionnier de ce nouveau modèle.

Publié le Mardi 17 juillet 2018
  • Association

Les épiceries sociales et solidaires

« Sans les épiceries sociales, avec le RSA, on ne pourrait pas y arriver » résume laconiquement Pascal. Cela fait des années qu’il est client de l’épicerie de Montmorillon, une des 370 épiceries solidaires ou sociales qui adhère au réseau national ANDES. Créée en 1995, l’épicerie sociale de Montmorillon aide 130 ménages. 90% d’entre eux sont au RSA, bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé, de la garantie jeune, de l’allocation spécifique de solidarité ou touche une trop petite retraite pour subvenir correctement à leurs besoins. Pascal apprécie l’évolution de la structure : « Entre les premiers temps et aujourd’hui, cela n’a rien à voir. Chaque jour, on nous propose des produits frais de qualité. Je redécouvre même des légumes de mon enfance. Le lieu est accueillant et la plupart des producteurs habitent à quelques kilomètres d’ici. » Effectivement, depuis que l’épicerie de Montmorillon est entrée dans le réseau ANDES, les choses ont beaucoup changé. Alexis Frémondeau, coordinateur du pôle vie sociale à la MJC de Montmorillon : « On allait chercher les fruits et légumes issus de la ramasse [les invendus des supermarchés, ndlr] à Poitiers, ce qui représentait 2 heures de trajet aller-retour. C’était lourd à gérer en logistique. La volonté de l’association à se tourner vers l’alimentation locale et en circuits courts existait déjà depuis quelques années. Le programme « Uniterres » nous a permis de le mettre en place ».

Uniterres, des produits solidaires et locaux
Cuisine de la Bibliosteak
Uniterres, des produits solidaires et locaux
Bénévoles et producteur local
Uniterres, des produits solidaires et locaux
Bénévoles épicerie sociale
Uniterres, des produits solidaires et locaux
Biblio'steak

Un nouveau mode d’approvisionnement

Le programme Uniterres d’ANDES a été créé en 2012 pour offrir mettre fin à cette situation. « Puisque l’approvisionnement par la banque alimentaire ne pouvait pas nous donner des fruits et légumes de qualité satisfaisantes, nous avons cherché à développer des circuits courts entre le réseau d’épiceries solidaires et les maraîchers et arboriculteurs » explique Véronique Blanchot, responsable du programme. L’association s’approvisionne alors directement chez les producteurs dont la production est achetée à un prix juste et stable, fixé collégialement sur une année. Pour financer ses achats, elle livre aussi les cantines et restaurants locaux et met en place un système de prix différenciés selon les destinataires des produits. Le même produit est payé à hauteur de la capacité financière de l’acheteur. Le produit payé un euro à l’agriculteur par ANDES est donné à l’épicerie solidaire. A la cantine, il est payé avec un petit coefficient pour la logistique. Chez le chef étoilé, le coefficient est plus important. « Mais, c’est toujours le même produit ! » se félicite Véronique Blanchot. « Lorsque le premier camion frigorifique d’ANDES est arrivé, ça n’avait rien à voir. Les bénévoles étaient comme des enfants devant un sapin de Noël. Les légumes étaient beaux et sentaient bons » se rappelle Alexis Frémondeau.

Le programme se développe

En 2013, un an plus tard, Uniterres embauche des personnes de plus de 50 ans au RSA pour un rôle de veille et de lien social avec les agriculteurs du nouveau réseau dont la moitié sont en bio et eux-mêmes en situation précaire. La sécurisation des achats avec le contrat annuel qu’ils passent avec ANDES leur permet de commencer à sortir de leur précarité. Et, poursuivant son rôle de développement, l’association se porte garante pour eux auprès des banques et leur fournit également des conseils à la production. « Les agriculteurs sont très fiers de permettre à d’autres populations fragiles de bénéficier de leurs produits » se réjouit Véronique Blanchot. En 2015, le programme est lauréat du second prix du Conseil économique et social européen de lutte contre la pauvreté et lauréat de « La France s’engage », fondation pour l'innovation sociale.

En 2016, 250 000 euros de produits sont ainsi acheté en circuit court par Uniterres. Ils ont profité à 22000 bénéficiaires. Aujourd’hui, le programme est présent en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie. Il soutient 82 maraîchers et approvisionne 49 épiceries solidaires (14 en Occitanie et 35 en Nouvel Aquitaine).Fin 2017, l’annonce de la fin des emplois aidés oblige Uniterres à trouver des solutions rapidement avant la fin de l’année. L’association recentre alors le programme sur les régions d’origine pour asseoir sa stabilité. La partie logistique étant la seule sur laquelle les économies étaient possibles. Elle est obligée de réduire le nombre de coordinateurs à un seul par secteur. Les épiceries les plus éloignées travailleront en direct avec un producteur et ne seront plus livrés par le coordinateur. « L’effet positif est qu’il y moins de camions sur les routes » note la responsable. Et Uniterres essaie de resserrer encore un peu plus son action sur le local.

A Montmorillon, on est déjà passé à l’étape d’après. L’épicerie sociale expérimente depuis le début de l’année un nouveau mode de fonctionnement.

Le relais local

Dès 2016, une association locale s’était montée pour assurer la fourniture des cantines locales. « Mont’Plateau, je me régale local » est composée de producteurs et d’acheteurs locaux, elle a été créée pour jouer le rôle d’interface entre acheteurs et producteurs. Au fil des mois, Mont’Plateau prend de l’ampleur et s’installe de plus en plus dans le paysage. L’association fédère aujourd’hui 14 établissements qui se fournissent auprès d’une vingtaine de producteurs locaux.

Au début 2018, c’est elle qui prend le relais pour la fourniture de l’épicerie sociale. « Cinq producteurs (dont deux bios) approvisionnent l’épicerie sociale depuis début 2018 » note Alexis Frémondeau. « Nous leur assurons une visibilité sur l’année et ils peuvent donc planifier leur production. » Ce sont eux qui livrent directement l’épicerie. Cette concession leur a été demandée avec la suppression du camion d’ANDES. « Auparavant, nous avions des producteurs de l’autre côté du département et c’est le camion d’ANDES qui faisait la route pour nous livrer. Aujourd’hui, les producteurs sont tous dans un rayon de 10 km autour de Montmorillon et nous avons un lien direct avec eux. » Un lien s’entretient au quotidien. « Les producteurs savent comment sont utilisés leurs produits. Ce n’est pas une simple livraison qu’ils nous font, ils participent à l’ensemble d’un projet » analyse Alexis Frémondeau.

Le restaurant solidaire la Biblio’steak est adossé à l’épicerie sociale, il utilise les mêmes produits. Expo photo au mur, livres à consulter, une dizaine de tables toutes occupées, aux heures du coup de feu de midi, l’ambiance est celle de n’importe quel restaurant. Bibliosteak sert une trentaine de repas par jour. Les vendredis soir accueillent des soirées en lien avec la programmation culturelle de la MJC Claude Nougaro, gestionnaire du restaurant solidaire et de l’épicerie sociale. Des repas à thème sont proposés une fois par mois. Pour les adhérents aux minimas sociaux ou qui ont moins de 25 ans, c’est 3,5 euros le repas. Comptez dix euros, le prix plein tarif du repas. Tous les publics se retrouvent donc dans la salle. Chaque jour, la cheffe élabore le menu en fonction des arrivages des producteurs de Mont’Plateau et de la banque alimentaire.

Un prix national

En 2017, la MJC a été lauréate, via Montplateau et son réseau d’acteurs, du premier prix du programme national de l’alimentation (ministère de l’agriculture). Elle a pu dynamiser sa démarche en organisant des actions de sensibilisation (ciné débat autour de l’alimentation locale, « frigotroc » contre le gaspillage alimentaire, approvisionnement local du restaurant et de l’épicerie et accompagnement des personnes). Elle organise régulièrement des ateliers d’éducation alimentaire pour montrer quelle utilisation faire des produits vendus ou comment se débrouiller avec peu, tout en prenant en compte les contraintes techniques des bénéficiaires dans les recettes proposées. En effet, tous les participants n’ont pas chez eux de plaques de cuisson ou de four. Et sur Radio Agora, la radio de la MJC, les producteurs sont invités pour expliquer leur métier et parler gaspillage alimentaire avec des partenaires de Mont’Plateau…Comme le résume Pascal en commentant ces différentes activités : « Ce n’est pas l’Etat qui va nous aider si on ne prend pas l’initiative. » Alors, autant la prendre !