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A Limoges, l’usine du groupe pharmaceutique mondial se repositionne pour devenir un site de lancement de nouveaux médicaments. Une force industrielle qui fait défaut dans notre pays.
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Derrière leur vitrine immaculée, les bras articulés travaillent vite. Ils réceptionnent avec précision les lots de seringues préremplies. Tous sont déjà passés au crible de la machine d’inspection à grande vitesse qui détaille chaque seringue pour repérer d’éventuels défauts. Elle élimine méthodiquement toutes les seringues suspectes. Attentives, deux opératrices en blouse blanche supervisent les opérations. « Il y a encore deux ans, cette opération était faite à la main » se souvient Florent Mourieras, le directeur du site. Toute une batterie d’opérateurs examinait des lots de seringues. Aujourd’hui, pour vérifier le travail de la machine, une seule contrôleuse effectue encore les tests de conformité sur des lots de seringues prélevées aléatoirement. On est jamais trop prudent.
Se lancer sur de nouveaux projets
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Forte de ses 170 salariés, Catalent Limoges remplit 55 millions de seringues par an avec un médicament contre la thrombose veineuse pour le compte de Pfizer, détenteur de la molécule. La substance est utilisée dans le monde entier. Le remplissage de seringue en milieu stérile constitue le cœur de métier de l’usine. Catalent maîtrise bien son process, mis en place il y a des années. Mais le groupe américain a annoncé en 2018 sa réinternalisation dans ses usines de Belgique. « Catalent était confronté à deux options » analyse le PDG « la fermeture pure et simple du site ou le lancer sur de nouveaux projets. On était avant la crise du Covid, mais déjà, il nous était apparu que la France manquait d’industriels capables de lancer de nouveaux médicaments. » Car si l’Allemagne peut produire 1 milliard de doses de nouvelles molécules par an, suivie par l’Italie avec une capacité de 500 millions de doses, les autres pays se rangent loin derrière. Pourtant, l’Europe possède une recherche florissante et est la première productrice de nouvelles molécules au monde, devant la Chine et les Etats-Unis. La France se classe 3e dans cette recherche.
Le facteur humain
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« Aujourd’hui, les startups sont bien accompagnées, mais une fois qu’elles ont produit leur molécules, elles doivent s’exporter pour trouver l’industriel qui lui permettra de lancer une première production pour faire les tests de phase 1, 2 et 3 d’avant lancement sur le marché. Nous allons donc leur proposer de venir à Limoges pour toutes ces phases. Nous passons donc de l’aval de la chaîne du médicament à l’amont » résume Florent Mouriéras. « Ce qui a décidé nos administrateurs, c’est avant tout le facteur humain : nous avons la chance d’avoir des salariés de 40 ans en moyenne avec plus de 15 ans d’ancienneté et une forte culture d’entreprise. L’engagement de l’ensemble des collectivités a aussi beaucoup pesé. Nous avons la chance d’avoir un groupe qui recherche avant tout le développement industriel. Le projet va dans ce sens. » Le site de Limoges, complètement remis à niveau dans les dernières années, possède également une « base industrielle très saine » qui facilite le nouveau projet.
Phoenix 2023
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Phoenix 2023, c’est son nom est porté par un investissement de 27 millions d’euros. Le recrutement de 80 salariés supplémentaires a déjà commencé. Et toute une partie des presque 2 hectares de l’usine est en travaux pour accueillir les nouvelles machines. La partie production de l’usine qui doit impérativement rester en milieu stérile, a dû être complètement isolée de celle qui est en travaux. « Nous serons opérationnels en 2022, mais il faudra attendre 2024-2025 pour atteindre un portefeuille de clients correct » prévoit le PDG.
« Notre chance est de faire partie d’un groupe mondial qui possède plus de 40 sites. Beaucoup d’entre eux font déjà des essais cliniques. A Bruxelles et Rome, nous avons deux unités qui font de la production industrielle pour la mise sur le marché. Cela signifie qu’on possède la maîtrise de toute la chaîne, avec des procédés transposables d’une usine du groupe à l’autre, ce qui offre un ratio coût/délai imbattable. »
Des talents sur le territoire
Florent Mourieras, limougeaud d’origine, qui s’était promis de ne jamais revenir à Limoges « mais ravi d’y être finalement revenu », est maintenant un ardent défenseur d’un territoire « à la qualité de vie sans égale ». C’est pourquoi il ambitionne pour son groupe des liens forts avec l’université. « Lorsqu’on aura finalisé notre parcours de formation en interne, on espère bien pouvoir aider à créer de nouvelles filières pour faire venir des talents. Au fond, c’est le sens de ce projet : ramener de l’industrie de la santé en Nouvelle-Aquitaine et les talents qui vont avec. La région a tout à y gagner. »