Actualité
Dans ses locaux d’Anglet (64), une jeune société met au point un nouveau matériau à base d’écailles de poisson. En valorisant ainsi un déchet naturel et abondant, Scale donne de la valeur à une matière première aux propriétés surprenantes.
Notre planète croule sous les déchets et la prise de conscience de la problématique est aujourd’hui générale. Il y a ceux qui tirent la sonnette d’alarme et ceux qui cherchent à améliorer les choses. « Nous, on veut être dans la solution », dit modestement Édouard de Dreuzy, cofondateur de Scale. Le recyclage du plastique, le papier, le textile… Les initiatives sont nombreuses sur notre territoire. Parmi elles, la transformation d’écailles de poisson en matériau. Un concept jusqu’ici jamais exploité.
Ils inventent la pierre d’écailles
Au départ, l’idée vient de son cousin Éric de Laurens. Alors designer à Londres, il s’intéresse de son côté aux déchets alimentaires. Il s’arrête rapidement sur l’écaille de poisson, persuadé que ses propriétés peuvent être utiles. Il en parle alors à Édouard, et tous deux se lancent dans cette aventure en 2017. Deux ans plus tard, les voici installés (avec leur associé Jules Colin) dans leurs premiers locaux, au sein de la technopole Arkinova à Anglet. Ici, ils travaillent et affinent le procédé de fabrication de la Scalite, le matériau qu’ils ont inventé. « Scale veut dire “écaille” en anglais et lithos signifie “pierre” en grec », explique Édouard de Dreuzy. Cette pierre d’écailles est donc élaborée à partir de ces tuiles protectrices de la peau des poissons. Récoltée auprès des mareyeurs ou des pêcheurs, elle est ensuite déshydratée et broyée pour obtenir une poudre fine comme de la farine. Après un procédé de compression et de séchage, des plaques de Scalite sont prêtes à l’emploi. Solide, le matériau présente « une caractérisation entre le MDF (bois medium) et le béton », précise le cofondateur. Robuste, le matériau est aussi facile à travailler, « il peut être moulé, teinté et usiné avec les outils conventionnels du bois ». Cela permet d’envisager de nombreux domaines d’application.
De la déco à la mode
« Nous sommes sollicités par des designers, des architectes d’intérieur, des marques de luxe et quelques industriels », raconte celui qui s’occupe notamment des relations commerciales. La jeune pousse vise essentiellement trois marchés, celui « de l’aménagement d’intérieur, du mobilier et de l’accessoire de mode (lunettes, montre…) ». Mais avant de vendre, l’équipe peaufine son savoir-faire afin d’augmenter sa productivité. Un investissement en outillage et en recherche, accompagné par plusieurs acteurs dont la Région Nouvelle-Aquitaine à hauteur de 50 000 euros. Dès 2020, l’entreprise espère développer du chiffre d’affaires et établit déjà les fiches de poste des recrutements futurs. « Nous aurons rapidement besoin d’un technicien pour l’atelier, ainsi que d’un chimiste pour la partie R & D », confie Édouard de Dreuzy. Un impact local qui se traduit aussi par des liens étroits avec la filière pêche, ainsi que des partenariats avec des élevages de saumons. Un gisement de matière première intarissable, dont l’astucieuse transformation pourrait bientôt se retrouver dans nos habitations.