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Chavegrand, la fromagerie creusoise

Temps de lecture 6 minutes

A Maison-Feyne, la laiterie fromagerie Chavegrand poursuit son histoire familiale sur 3 générations. Entre investissements et compétitivité, elle se renouvelle et grandit sûrement.

Publié le Lundi 27 février 2023
  • #Agriculture
  • #Agroalimentaire
  • #Particulier

A Maison-Feyne, à quelques kilomètres de Dun-le-Palestel, l’entreprise Chavegrand n’est pas difficile à trouver. Il suffit de suivre la route refaite à neuf qu’emprunte quotidiennement les camions collecteurs de lait au logo à l’écureuil que connaissent tous les creusois. L’entreprise est de loin le plus grand établissement à des kilomètres à la ronde au cœur de la Creuse rurale. Elle est également le principal employeur avec ses 120 salariés.

« Les cuves et les camions, c’est à ça qu’on reconnait une laiterie », note le PDG Jean-Claude Chavegrand. Adossée aux cuves, la ferme familiale, une maison creusoise en pierre. « C’est là que nous avons tous été élevé. » C’est aussi là que l’histoire de l’entreprise a débuté. Entre la ferme plus que centenaire et les bâtiments de la fromagerie qui s’étendent sur des centaines de mètres carrés, il y a toute l’histoire de cette saga familiale sur 3 générations.

Jean-Claude Chavegrand devant des cuves de lait

Des investissements majeurs

Chavegrand fait partie de ces entreprises qui choisissent de réinvestir leur bénéfice. Un nouveau projet de modernisation de 4 millions d’euros est en train de se concrétiser. « La laiterie actuelle a près de 25 ans. Pour rester compétitif, nous devons revoir toute la ligne de production de fromage de vache », explique Jean-Claude Chavegrand. Le moulage automatisé permettre de substantielles économies de lait. « Le moulage se fait aujourd’hui à la main. Si le fromage est trop petit, il est déclassé. S’il est trop gros, on ne le vend pas plus cher pour autant. » L’automatisation permettra d’atteindre le poids cible du fromage : 250 g pour un camembert, 320 g pour le coulommiers. « La machine sera rentabilisée en quelques années », se félicite le PDG.

Familiale et creusoise

« Nous sommes une entreprise familiale aux capitaux exclusivement familiaux », explique d’emblée Hélène Faivre, nièce de Jean-Claude Chavegrand. « Nous sommes 12 membres de la famille à travailler dans l’entreprise fondée par mon grand-père » explique-t-elle. Raymond Chavegrand crée sa société en 1952. Ses camions circulent alors de ferme en ferme pour acheter les produits - œufs, crème et beurre - et les revendre à des grossistes.  Au début, un système de conservation à la chaux permet de traiter les œufs. Il fait ensuite place à la congélation avec une casserie d’œufs. Avec de grosses mottes de beurre, les oeufs sont vendus aux biscuiteries. Aux fermiers, qu’on n’appelle pas encore agriculteurs, sont proposés des produits d’épicerie. « C’est presque un système de troc », relève Hélène Faivre.

A la fin des années 60, le nombre d’exploitations agricoles a diminué. Elles ont aussi augmenté en taille et se sont spécialisées. Jean-Claude et ses frères se forment alors en Normandie à l’institut du lait et de la viande de Caen et produisent les premiers fromages. Au tout début des années 80, le tournant est pris. Chavegrand devient fromager. Jean-Claude et ses frères prennent la suite de Raymond.

Une vingtaine de personnes début 1980

Chavegrand investit dans des chambres frigo. « Nous avions vu qu’il y avait un besoin de stockage », se souvient Jean-Claude. Les frigos, loués pour entreposer de la viande ou des fruits sont vites remplis. Le produit de la location sert à en construire d’autres. Aujourd’hui, les 28 000 m3 de chambre froide servent principalement au stockage des fruits pour Andros, mais aussi pour des clients plus ponctuels, comme pour ces fraisiers ou ces dindes entreposés pendant le confinement.

En 1997, une nouvelle usine voit le jour. Elle permet à Chavegrand de se lancer avec la grande distribution au niveau national. La fromagerie commence la production de « MDD » (marques de distributeurs) qui composent aujourd’hui 80 % de son chiffre d’affaires. « On est sur des produits qui sont des alternatives aux produits les plus connus. Nos fromages s’appellent Val-de-Loire, Cœur complice ou Chêne d’argent. Ce sont des camemberts, des Coulommiers estampillés de la marque de la grande surface qui les vend. Chavegrand travaille avec avec Lidl, Carrefour, Système U, Casino Intermarché, Auchan, Leclerc… Le reste du chiffre est fait à l’export (15 %) avec des importateurs et distributeurs qui assurent la présence des fromages creusois dans 40 pays. Les 5% restants vont à la « restauration hors foyer », principalement restaurants et cantines.

Emballage des fromages

Grandir et rester compétitifs

Ce créneau oblige l’entreprise à être compétitive, « car on peut toujours être remplacés », relève Hélène Faivre. « Il faut être bon et pouvoir rivaliser au niveau des prix. » Pour cela, Chavegrand a une recette : tous les ans, les bénéfices sont réinvestis dans l’entreprise, entre 1 et 1,5 millions d’euros. C’est ce qui lui permet de grandir de façon continue. Les 20 salariés des années 80 sont devenus 120. Mais aussi de gagner en productivité. Dans les années 2000, les lignes d’emballage sont revues, puis la préparation du lait, la pasteurisation, le démoulage, le salage, les retourneurs, le remplissages, robot de tranchage…

Pour faire face au manque de main d’œuvre, Chavegrand travaille depuis près de 5 ans avec des intérimaires afghans « qui viennent de La Souterraine, de Guéret, parfois en scooter par tous les temps ! » s’émeut le PDG.  Chavegrand s’est fait identifier comme une entreprise où demandeurs d’asile et réfugiés peuvent travailler. La barrière culturelle n’est pas toujours évidente à combler, mais l’entreprise envisage de faire cesser l’intérim, choisis à cause des contraintes administratives, pour embaucher directement ces travailleurs.

ligne de démoulage des fromages

Se projeter à 20 ans

Le programme des investissements à venir devrait permettre à Chavegrand de se projeter à nouveau dans les 20 années à venir, avec des concurrents de même taille, mais aussi des géants comme Lactalis ou Sodial. 71 ans après sa création, on peut dire que l’entreprise a accompagné la transformation agro-industrielle de la France. En témoigne la convention tripartite signée chaque année au salon de l’agriculture de Paris avec Lidl. « C’est un client de plus de 25 ans. Avec eux, on est dans une démarche de fidélisation et d’engagement », se félicite Jean-Claude Chavegrand. La convention permet de mieux rémunérer les agriculteurs qui fournissent le lait du camembert Lidl, 500 euros les 1000 litres de lait au lieu de 455 euros. La différence est prise en charge par la chaîne qui affiche son engagement pour le soutien de la filière sur les fromages. Comme le note Hélène Faivre : « est dans la cour des grands. Mais de toute façon, il n’y a qu’une cour ! »

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