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Encyclopédie de l'entreprise
Céder une entreprise : les étapes

Cession d'entreprise : diagnostic humain

Réaliser un diagnostic humain pour préparer la transmission de l'entreprise a pour objectifs : d'évaluer le rôle et les fonctions des salariés au sein de l'organisation de l'entreprise, de mettre en évidence les risques liés au départ du dirigeant et de proposer des améliorations et/ou de corriger les déséquilibres éventuels dans la gestion sociale de l'entreprise.Rappel : la cession d'une entreprise entraîne obligatoirement le transfert des contrats de travail (article L.1224-1 du Code du travail).

La démarche à suivre du diagnostic humain pour préparer la transmission de l'entreprise

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Comment réaliser le diagnostic humain de l'entreprise à céder ?

Pour mener à bien ce diagnostic humain de préparation à la cession, le consultant en charge de le réaliser devra :

  • consulter l'ensemble des documents disponibles dans l'entreprise : statuts, organigramme, actes de nomination des dirigeants, contrats de travail, convention collective, règlement intérieur, ancienneté du personnel, rémunérations, etc.
  • mener des entretiens avec : les dirigeants dans un premier temps puis avec les salariés,
  • compléter éventuellement son information en rencontrant des clients, des concurrents, ...

A l'issue de ces démarches il sera en mesure :

  • de construire un bilan argumenté de la situation sociale de l'entreprise,
  • d'envisager les éventuelles évolutions à apporter pour préparer au mieux l'entreprise à la cession de l'activité (ainsi que leur coût).

Principaux éléments à prendre en considération du diagnostic humain

  • Concernant la direction de l'entreprise

1) Quelles sont les motivations du ou des cédants ?


2) Quel est leur rôle dans le fonctionnement actuel de l'entreprise ?

  • De quel(s) savoir-faire disposent-ils ? Ont-ils une personnalité forte et des qualités relationnelles ?
  • Quels sont les risques liés à leur départ ?
  • Quelles actions mettre en place pour y remédier ?
  • Faut-il envisager une transition progressive de la direction de l'entreprise ?

Le poids du ou des cédants dans les performances de l'entreprise est difficile à appréhender. Ainsi la fidélité des clients à un dirigeant qu'ils connaissent depuis longtemps peut masquer une gamme vieillissante de produits ou services. 

Attention dans ce cas au fléchissement du chiffre d'affaires, car le repreneur ne bénéficiera pas de cet état de grâce ! Le repreneur devra ainsi mesurer l'impact du départ du ou des cédants sur l'entreprise à reprendre.

  • Concernant les salariés

1) Comment est organisé l'activité au sein de l'entreprise ?

  • Quel est le rôle et le niveau de responsabilités de chaque salarié ?
  • Existe-t-il des documents définissant clairement l'organisation de l'entreprise (fiches de poste, définitions de fonctions, organigramme) ?
  • Peut-on relever des écarts entre l'organisation prévue et l'organisation réelle ?
  • Quels sont les horaires et les modalités d'application de la réduction du temps de travail ? Existe-t-il un accord d'entreprise ?
  • Comment est le climat social ?

2) Quelle est la situation de chaque collaborateur ?

  • son ancienneté au sein de la structure,
  • son parcours antérieur en dehors et au sein de l'entreprise,
  • son savoir-faire et ses compétences,
  • son contrat de travail,
  • son niveau de rémunération et ses composantes (salaire fixe, part variable, primes...),
  • les usages et avantages individuels acquis,
  • ses aspirations à brève échéance : évolution en interne / départ (retraite, création d'entreprise, ...).

Si des parents du cédant sont employés dans l'entreprise le repreneur devra leur accorder une attention particulière. Il est en effet important d'évaluer leur fonction réelle, leurs compétences et savoir faire, leur influence dans les processus de décision et leur niveau de rémunération, et de s'interroger sur leurs aspirations par rapport à la cession (motivations, existence de projets de reprise ou de "recréation"). Si des départs sont programmés : le  repreneur devra impérativement déterminer le coût de ces départs (indemnité de départ à la retraite, indemnité de licenciement) et en tenir compte dans le cadre de l'évaluation de l'entreprise.

Par ailleurs, il est important de s'assurer que les départs ne sont pas motivés par la création d'une activité venant amoindrir les perspectives de développement de l'entreprise.

3) Comment est assuré le dialogue social au sein de l'entreprise ?

  • Y a-t-il des représentants du personnel (délégués du personnel, délégués syndicaux) ?
  • Existe-t-il des accords collectifs d'entreprise ?

4) Quel climat social règne au sein de l'entreprise ?

  • Quel est le taux de renouvellement du personnel ?
  • Quel est le taux d'absentéisme ?
  • Existe-t-il des rapports conflictuels entre les salariés ou avec la direction actuelle ?

Attention : souvent négligé par le repreneur, le domaine de la sécurité doit pourtant être examiné. Une attention particulière doit être portée sur : - les éventuels contentieux en vue d'obtenir réparation d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, - les arrêts de travail en cours (accident du travail et maladie professionnelle), - les risques professionnels (bruit, amiante, ') qui pourraient conduire au paiement d'indemnités dans le futur.

Bon à savoir : il peut également être intéressant pour le repreneur de se renseigner sur l'état du marché du travail pour les profils qu'il envisage de recruter : le bassin d'emploi peut être insuffisant.

Documents à consulter pour réaliser le diagnostic humain

En fonction de l'importance de l'entreprise, les documents à consulter sont les suivants :

  • Le registre unique du personnel : document sur lequel sont notamment inscrits, pour chacun des salariés :

- son nom, prénom, nationalité, date de naissance et sexe,
- son emploi, sa qualification,
- la date de son entrée dans l'établissement,
- la mention éventuelle "d'apprenti", de "contrat d'insertion professionnelle", de "contrat à durée déterminée", de "travailleur à temps partiel", de "travailleur temporaire" (avec le nom et l'adresse de l'entreprise de travail temporaire) ou encore de "mis à disposition par un groupement d'employeurs,"...

  • Le registre des observations et mises en demeure : document sur lequel figurent les observations et mises en demeure des agents de l'inspection du travail.
  • Le livre de paie.
  • Le règlement intérieur.
  • Les conventions et accords collectifs.
  • Les procès verbaux des réunions avec les représentants du personnel.
  • Les outils mis en place en vue de gérer le personnel : organigramme, fiches de poste, définitions de fonction, entretiens annuel d'évaluation.

Obligations du repreneur au moment de la reprise : transfert automatique des contrats de travail

  • Principe

L'article L.1224-1 du Code du travail définit les obligations du repreneur d'entreprise à l'égard des salariés en stipulant que " tous les contrats de travail en cours ['] subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ".

  • Dans quels cas cet article s'applique-t-il ?

Lorsque l'opération de reprise concerne une entité économique autonome, et que l'activité est poursuivie avec les mêmes moyens.
Il a ainsi été jugé que l'article L.1224-1 s'appliquait en cas de :

- cession totale de l'entreprise,
- cession partielle de l'entreprise dès lors que les conditions énumérées ci-dessus sont respectées (entité économique autonome et activité poursuivie avec les mêmes moyens) : dans ce cas, tous les contrats de travail des salariés affectés à l'activité cédée sont transférés,
- fusion de l'entreprise avec une société nouvelle ou existante,
- mise en société ou apport en société de l'entreprise,
- mise en location gérance d'un fonds de commerce ou changement de locataire gérant,
- reprise de la commercialisation des produits d'une marque et de la clientèle qui y est attachée.

A noter !
- La seule poursuite de l'activité dans les mêmes locaux peut imposer le transfert des contrats de travail.
- la loi de sauvegarde des entreprises n°2005-845 du 26 juillet 2005 permet de procéder à des licenciements économiques dans tous les cas de cessions d'entreprises, y compris celles réalisées dans le cadre d'une liquidation judiciaire.

Attention : l'accord du cédant et du repreneur visant à faire échec aux dispositions de l'article L.1224-1 du Code du travail ne constitue pas une cause de licenciement légitime. Dans un tel cas, le licenciement prononcé avant le transfert de l'entité est sans effet et le salarié est en droit de demander sa réintégration.

Nouveau : dans un arrêt du 17 avril 2019, la Cour de cassation a confirmé que lorsque le transfert d'une entreprise entraîne une modification du contrat autre que le changement d'employeur, les salariés concernés ont le droit de s'y opposer. Par conséquent, le licenciement d’un salarié ayant refusé la modification du lieu de travail est considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

  • Les conséquences du transfert des contrats de travail

1) Continuité des contrats de travail dans des conditions identiques

Les contrats de travail en cours d'exécution au moment de la reprise sont automatiquement transférés au repreneur. Il ne peut en aucun cas être dérogé à ce principe, même avec l'accord des salariés concernés.
Leur exécution se poursuit dans des conditions identiques à celles antérieures au transfert (notamment en ce qui concerne la qualification, la rémunération, les congés payés et l'ancienneté).
Si le plan de reprise prévoit des licenciements, le coût de ces départs (indemnités de licenciement notamment) constitue une moins-value de la valeur de l'entreprise et peut à ce titre en être déduit.

2) Maintien provisoire des accords collectifs en vigueur

Les relations entre employeurs et salariés sont réglementées par le code du travail. Cet ensemble de textes composé de lois, de règlements, de décrets, peut être complété par des accords négociés et signés par les employeurs et les syndicats de salarié.

L'article L. 2261-14 du Code du travail règle le sort des conventions et accords collectifs applicables dans l'entreprise transférée.
"La convention ou l'accord mis en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une cession, continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis de 3 mois, sauf clause prévoyant une durée supérieure."

"Lorsque la convention ou l'accord qui a été mis en cause n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans ce délai, les salariés des entreprises concernées conservent une rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des douze derniers mois."

"Une nouvelle négociation doit s'engager dans l'entreprise concernée, à la demande d'une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause, soit pour l'adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l'élaboration de nouvelles stipulations."
 
3) Transfert des obligations incombant à l'employeur

A moins que la reprise n'intervienne dans le cadre d'une procédure de sauvegarde ou de redressement ou liquidation judiciaire, le nouvel employeur est tenu de s'acquitter des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de cette modification.
Le premier employeur est tenu de rembourser les sommes acquittées par le nouvel employeur sauf accord particulier.

4) Maintien des mandats des représentants du personnel

En cas de reprise, les mandats des représentants du personnel subsistent dés lors que l'entreprise concernée conserve son autonomie juridique.

Obligations du repreneur au moment de la reprise : respect des règles régissant les relations du travail dans l'entreprise

A l'issue de la reprise, le repreneur dispose de l'ensemble des droits et obligations liés à sa qualité d'employeur et donc d'un pouvoir de direction lui permettant notamment de réorganiser certaines activités et, le cas échéant, de se séparer de certains collaborateurs.

Dans l'exercice de son pouvoir de direction, le repreneur doit respecter l'ensemble des règles applicables dans l'entreprise (code du travail, accords et conventions collectives).

  • Modification des contrats de travail

La réorganisation de l'entreprise peut rendre nécessaire la modification de certains éléments du contrat de travail de salariés. Selon les cas, certaines décisions requièrent leur accord, d'autres non.
Ainsi, la modification du contrat de travail doit être distinguée de la modification des conditions de travail :
- Les conditions de travail du salarié peuvent être modifiées unilatéralement par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction.
- La modification d'un élément du contrat de travail ne peut résulter d'une décision unilatérale de l'employeur et requiert l'accord du salarié.

Ne peuvent être modifiés unilatéralement par l'employeur :
- la durée du travail,
- la rémunération,
- le lieu de travail,
- la qualification du salarié.

A noter ! - Le refus par le salarié de la modification d'un élément de son contrat de travail ne saurait constituer à lui seul un motif réel et sérieux de licenciement. - Concernant la modification du lieu de travail sans accord du salarié : cela est possible si l'entreprise reste dans un même secteur géographique. On considère dans ce cas que seules les conditions de travail sont modifiées. En cas de litige, la notion de "secteur géographique" est appréciée de manière souveraine par les juges du fond.

  • Rupture des contrats de travail

La mise en oeuvre du plan de reprise peut rendre nécessaire le départ de certains collaborateurs. Selon les cas, la rupture du contrat peut prendre la forme d'un licenciement pour motif personnel ou pour motif économique.

La rupture pour motif économique est définie comme celle effectuée par l'employeur "pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques" (article L.1233-3 du Code du travail).

La rupture pour motif personnel est définie comme celle effectuée par l'employeur pour un motif inhérent à la personne du salarié, et n'est pas forcément liée à un comportement fautif.

Quelle que soit la nature juridique de la rupture :
- le motif invoqué par l'employeur doit être réel et sérieux,
- l'employeur doit respecter une procédure obligatoire,
- le licenciement doit donner lieu au versement d'indemnités.

A noter ! Les licenciements prononcés pour faire échec au transfert automatique des contrats sont considérés comme étant sans cause réelle et sérieuse par les juges.

Pour en savoir plus

L'importance du contentieux relatif aux licenciements témoigne de la complexité du cadre juridique applicable. Il est indispensable pour l'employeur de se rapprocher d'experts dans ce domaine afin d'éviter d'éventuels recours ultérieurs.

Pour être accompagné dans cette démarche, le cédant peut se rapprocher :

- d'un cabinet de conseils en ressources humaines,
- de l'expert comptable de son entreprise,
- d'un avocat spécialisé en droit social,
- de l'inspection du travail.

Textes de référence

- Article L.1224-1 et suivants du Code du travail
- Article L. 2261-14 et suivant du Code du travail
- Article L. 2261-9 et suivants du Code du travail
- Article L.1233-3 du Code du travail

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